Construire plus, mais comment ?L'objectif de 500.000 logements neufs par an faisait déjà consensus en 2007 ! Il n'a jamais été atteint, même au plus haut avant la crise, où on avait atteint tout compris 426.000 unités (y compris la construction de maisons individuelles). Aujourd'hui on tourne autour de 380.000 et on s'attend à à 330.000 ou 340.000 en 2012... Cette fois, l'objectif de 500.000 n'est repris que par la gauche, qui veut dans ce chiffre 150.000 logements sociaux (François Hollande), 160.000 (Eva Joly) ou 200.000 (Jean-Luc Mélanchon). Pour y arriver, c'est entendu, il faut libérer du foncier. Là les avis divergent : Nicolas Sarkozy s'en tient à l'augmentation de 30% des droits à construire. Il l'a même fait passer dans la loi, pour 3 ans seulement. Dans le scepticisme le plus général, et notamment des professionnels, qui n'y voient pas comme le président sortant une solution miracle. Il réitère l'intention de pousser à la vente de terrains de l'Etat et des entreprises publiques, mais sans dire comment il ferait mieux que dans les 5 ans écoulés et surtout sans s'engager sur des conditions de vente permettant de faire autre chose que du haute de gamme à 30.000 euros le m2 comme sur le terrain de l'hôpital Laennec ! Tout au plus concède-t-il la location longue durée des terrains de l'État avec baux emphytéotiques... Pas d'engagement non plus sur une réforme de la gouvernance de la gestion du foncier - qui placerait la gestion de la ressource au niveau de la communauté d'agglomération et non plus au niveau de la commune, où elle est fréquemment gelée par des maires malthusiens -, mais une évolution sur une imposition des plus-values sur la vente de terrains constructibles qui découragerait la rétention au lieu de l'encourager comme actuellement. Sur tous ces plans, les candidats de gauche et François Bayrou sont nettement plus en phase avec les professionnels : il faut gérer le foncier à l'échelle de l'agglomération, il faut vendre les terrains inutilisés détenus par des administrations et les entreprises publiques, il faut les vendre au prix coûtant (celui de la dépollution et de la viabilisation) en s'assurant que les promoteurs ne s'approprient pas la marge dans le prix, il faut une fiscalité des plus-values qui dissuade la rétention des terrains privés (un impôt progressif et non dégressif avec le temps). Par contre, au contraire du candidat sortant, ils ne les rejoignent pas sur leur demande d'assouplissement des normes de construction et sur un encadrement des possibilités de recours contre les permis de construire... Eva Joly ajoute une touche écologique en proposant d'adopter une loi foncière pour enrayer l’étalement urbain et garantir la mixité sociale et fonctionnelle : "l’objectif est de valoriser les espaces naturels, agricoles et boisés, en lien avec des territoires urbains équilibrés entre logements, activités et loisirs"... Faire du logement social à tout prix ?Si Nicolas Sarkozy peut s’enorgueillir de son bilan en matière de construction de logement social, c'est essentiellement grâce au PNRU (Programme national de rénovation urbaine) de son prédécesseur - qu'il s'est engagé à poursuivre mais sans le financer (1) -, et au plan de relance massif de 2009-2010 qui a creusé les déficits... L'Etat s'est par contre désengagé presque totalement de l'aide à la pierre, la laissant aux collectivités territoriales - à qui il reproche au passage d'être dépensières - et aux collecteurs du 1% logement dont il assèche par ailleurs les ressources... Pour le reste, les bailleurs sociaux n'ont qu'à vendre en masse des logements pour se financer ! Au besoin en les y forçant par la création d'un droit à l'achat qui serait ouvert aux locataires, idée qui ne figure pas dans le programme officiel mais dans le programme de l'UMP, et contre laquelle se dresse comme un seul homme le monde HLM... Et si le candidat sortant s'est rallié au relèvement de 20 à 25% du quota obligatoire de logements sociaux dans les communes des secteurs "tendus" et à l'augmentation des sanctions, c'est en y intégrant la vieille revendication des maires de droite d'inclure dans ce quota les réalisations de logements en accession sociale... Son de cloche évidemment opposé à gauche où l'on veut restaurer les aides à la pierre, avec chez François Hollande le doublement du plafond du livret A, et les objectifs ambitieux, chez les uns et chez les autres, cités plus haut, et pour lesquels on compte notamment sur la libération de foncier à bas coût. Avec quelques moyens plus coercitifs pour le complément comme la multiplication par 5 des sanctions aux communes qui ne respecteraient pas les quotas SRU, la réquisition des logements vacants chez Mélanchon, et même l'expropriation à l'extrême gauche... François Bayrou y va aussi de ses propositions de sanction pour les communes qui ne respectent pas des quotas SRU relevés à 25%, en proposant d'instaurer le blocage des dotations de l’Etat ; il propose aussi d'imposer la mixité sociale dans les programmes immobilier, et de créer des "préfets de la cohésion sociale et du logement" dans les zones en tension en matière de logement social qui pourront prendre l’ensemble de la responsabilité "urbanisme" jusqu’à la délivrance des permis de construire... A l'opposé, Marine Le Pen voit la solution de la pénurie de logement social dans les zones tendues dans "le principe de priorité nationale", c'est-à-dire accorder une préférence aux Français par rapport aux étrangers pour l'accès aux logements existants. On ne sait pas ce qu'on ferait des étrangers qui sont censés les occuper indûment... Peser sur les prix et les loyers ?Si tous les candidats ne comptent que sur le surcroît de construction pour peser sur les prix de vente, du neuf comme de l'ancien (avec pour le premier aussi l'action sur le foncier), droite et gauche s'accordent désormais, depuis la volte-face spectaculaire de Nicolas Sarkozy, sur la nécessité de faire quelque chose pour les loyers : encadrement "à l'allemande" (fixation des loyers des relocations et des nouvelles locations par référence à des moyennes de secteur établies par des "observatoires" locaux ou régionaux type OLAP avec possibilité pour les locataires de saisir la justice pour les faire respecter) chez François Hollande, qui en a convaincu le candidat sortant, moratoire de 3 ans chez Eva Joly le temps de mettre en place des "miroirs des loyers" à l'allemande, blocage pur et simple des loyers plus à gauche. François Bayrou est plus en retrait, préférant un observatoire qui rendra public les loyers, zone par zone, et une taxation pour corriger les abus. Libérer la mobilité ?Autre clivage net entre le candidat sortant et la gauche : l'annonce surprise du premier de diviser par 2 en 5 ans les droits de mutation, mesure quasi punitive contre les collectivités territoriales (en majorité de gauche), qualifiées de dépensières... Les maires de droite apprécieront ! D'autant que, dans un marché de pénurie, l'effet d'une telle mesure pour les acquéreurs est de nature à être immédiatement absorbé par les prix... En finir avec les niches fiscales ?Après une overdose sous le quinquennat finissant - crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt (supprimé en 2010), "Scellier", prêt à taux zéro "PTZ+" pour le neuf et l'ancien sans conditions de ressources, et autres "Censi-Bouvard", "Girardin" et "Demessine", les niches fiscales ne sont plus de mise, au grand dam des promoteurs, dopés depuis des années au "Robien" et au "Scellier" ! Les régimes de défiscalisation - sauf outre-mer - disparaissent fin 2012 et ne sont pas pour le moment remplacés. Pourra-t-on vivre - et accessoirement construire du neuf - sans un nième régime de défiscalisation de l'investissement locatif ? Beaucoup en doutent mais force est de constater que dans les programmes des candidats, c'est silence radio... En attendant, Nicolas Sarkozy fait hurler l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière) en inscrivant à son programme l'arrêt pour les bailleurs de la déductibilité des "gros travaux", au risque de pousser le bouchon un peu loin (2)... Quant au "PTZ+", il a été restreint au neuf et mis sous conditions de ressources. François Hollande propose de le renforcer pour les jeunes et les classes moyennes. A noter que Marine Le Pen propose de favoriser l'accès à la propriété par un "chèque premier achat" pour les primo-accédants en remplacement de l'actuel PTZ... Favoriser les locataires ou les propriétaires ?Sur ce plan le clivage idéologique reprend ses droits : si le candidat Nicolas Sarkozy ne l'a pas reprise formellement dans son programme, l'idée d'un bail "gagnant-gagnant" chère à l'UNPI est dans les cartons de l'UMP : le propriétaire accepterait de pratiquer des loyers faibles et de renoncer aux garanties, en échange de délais de préavis plus réduits et de procédures d’expulsion accélérées. Ce bail permettrait également de simplifier et d’accélérer les procédures d’expulsion pour les locataires de mauvaise foi ou qui troublent le voisinage... A l'inverse, Jean-Luc Mélenchon prône l'interdiction de l'expulsion des locataires "en difficulté économique et sociale" et Eva Joly ne veut pas d'expulsion "sans relogement". Reste le lancinant dilemme de la sécurisation des propriétaires qui louent des logements : dès 2002, la gauche avait - sous les lazzis de la droite - proposé la CLU (couverture logement universelle) : il s'agissait contre une prime modique de couvrir contre les impayés et la détérioration des logements toutes les locations, de manière obligatoire pour assurer une bonne mutualisation des risques. Jean-Louis Borloo a repris l'idée partiellement sous le quinquennat de Jacques Chirac et a mis en place la GRL (garantie des risques locatifs). Nicolas Sarkozy s'est engagé à la généraliser pour couvrir tous les bailleurs contre une suppression du dépôt de garantie et l'interdiction pour les bailleurs de demander une caution personnelle (garantie d'un parent ou d'un proche). La promesse électorale n'a été tenue qu'à moitié, au sens propre puisque le dépôt de garantie maximum que les propriétaires peuvent demander a été divisé par 2, et qu'il est interdit depuis 2009 aux bailleurs de demander une caution personnelle quand ils souscrivent une garantie loyers impayés classique (GLI) ou une GRL, mais le résultat est pire que le mal : les ministres successifs, Christine Boutin comme Benoist Apparu, ont été incapables d'imposer la généralisation de la GRL aux assureurs qui ont dans leur très grande majorité préféré continuer à vendre de la GLI, la GRL reste chère et avec une sinistralité forte - à la charge du 1% logement et de l'Etat - parce qu'elle n'assure que des mauvais risques, et les propriétaires préfèrent ne pas s'assurer plutôt que de renoncer à la caution personnelle. Du coup ils deviennent encore plus précautionneux et sélectifs à l'égard des candidats locataires, c'est à dire l'exact inverse de l'effet recherché (3)!... Si le candidat sortant est resté muet sur sa promesse à moitié tenue de 2007, l'idée d'une couverture universelle et obligatoire réapparaît, seul moyen de débloquer l'accès au logement des millions de locataires aux ressources un peu justes ou précaires, et ne disposant pas de garants pour y suppléer : le plus nettement chez François Bayrou sous la forme d'une "mutuelle nationale pour le logement", garantie par l'Etat, mais aussi sous une forme plus elliptique chez François Hollande et Jean-Luc Mélanchon. François Hollande propose un dispositif de caution solidaire pour les jeunes... Enfin, Eva Joly propose de favoriser les coopératives d’habitants, ainsi que tous les projets qui dessinent un logement non-spéculatif ou une réappropriation de la ville par les habitants. Arrêter avec l'accession à la propriété à tout prix ?Autre sujet hautement idéologique, arrivé à son paroxysme en 2007 : faire une "France de propriétaires" était une idée séduisante, surtout pour faire une "France de droite" et suppléer à terme à un régime de retraites menacé. Les exemples européens montrent que les pays qui ont le plus fort taux de propriétaires (Grèce, Espagne, Portugal) ne sont pas forcément des modèles de bien-être social, si l'on compare avec ceux (Allemagne, Suisse) où ce taux est de moitié par rapport à la France... Si le taux de propriétaires a un peu progressé au cours du quinquennat, c'est dopé aux aides publiques, et en accentuant la hausse des prix. Sans compter les risques qu'on a fait prendre aux accédants en les endettant souvent au delà du raisonnable dans un contexte de crise économique, de pouvoir d'achat en berne et de flambée des dépenses contraintes (charges de copropriété, coût de l'énergie et des carburants, compléments devenus nécessaires pour l'éducation des enfants devant la carence de école publique, etc.): charges impayées, surendettement, autant de drames sociaux coûteux pour les intéressés et pour la collectivité... Pas étonnant dans ces conditions que les candidats de droite restent discrets sur ce plan, et que ceux de gauche se montrent carrément hostiles à toute politique visant à accélérer encore une accession forcément fragile à la propriété. "Booster" la rénovation énergétique ?Bien parti, le grand élan du "Grenelle de l'environnement" risque de retomber. Certes, la "RT 2012" (règlementation thermique pour le neuf) a commencé à révolutionner la construction, mais pour la rénovation du parc existant, fortement énergivore, c'est une autre affaire. Engagée résolument dans le logement social et l'immobilier public, bientôt obligatoire dans le tertiaire, elle patine dans le logement privé : la rénovation massive des maisons individuelles bute sur le pouvoir d'achat et les difficultés économiques des ménages, et celle des copropriétés, en plus des freins précédents, sur la complexité et l'inadaptation du statut juridique. Le programme de lutte contre la précarité énergétique et les moyens non négligeables mis en oeuvre peut contribuer à rénover à terme un grand nombre de logements individuels. Par contre, la rénovation énergétique des copropriétés ne démarrera pas à grande échelle sans des mesures fortes, comme celles préconisées par le "rapport Braye" qui tire aussi le signal d'alarme sur le problème plus général des risques de dégradation de ce parc immobilier du fait de la déficience constatée aujourd'hui dans son entretien à long terme (4). A noter que François Hollande a été le plus précis sur ce point dans une réponse au Parisien, estimant que les copropriétés ont été "les oubliées de la rénovation urbaine du quinquennat". "La prévention doit être améliorée, les acquéreurs mieux informés sur ce qu’implique devenir copropriétaire, notamment en termes de charges à payer, et des provisions pour grosses réparations seront rendues obligatoires. Concernant la situation des copropriétés en très grande difficulté, tel le Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois, la loi devra être adaptée pour simplifier leur gestion et créer des copropriétés plus petites, par scission, là où c’est nécessaire", a-t-il notamment indiqué. Par contre, de manière générale, les candidats sont tous très volontaires quand il s'agit de faire de la rénovation énergétique du parc immobilier une priorité nationale, mais peu prolixes quand il s'agit des moyens financiers... (1) Universimmo.com - Décryptages : "La rénovation urbaine peut-elle servir de paravant au naufrage du Plan Marshall pour les banlieues ?" (2) Universimmo.com - Décryptages : Une proposition du candidat Nicolas Sarkozy soulève un tollé chez les propriétaires bailleurs" (3) Universimmo.com - Décryptages : La GRL à la croisée des chemins" (4) Universimmo.com - Dossier d'actualité : "Faut-il obliger les copropriétés à mieux se gérer ?" -*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-* Actualité : Voir toutes nos brèves Voir toutes nos fiches pratiques Voir tous nos dossiers Des réponses à vos questions !!! Recevez gratuitement le sommaire de la LA LETTRE D'INFORMATION DU PROFESSIONNEL IMMOBILIER spécialement destinées aux professionnels de l'immobilier résidentiel. -*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*- UniversImmo.com |
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