ACTUS
Marché immobilier : les chiffres présentés sont-ils fiables ?
Le
21/1/2008
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Alors que, sur fond de taux d'intérêt en hausse et de retombées de la crise des "subprime", la communauté de l'immobilier redoute en ce début d'année un retournement possible du marché qui rappellerait celui des années 1990, la question est plus que jamais cruciale ! Faut-il croire davantage les témoignages nombreux, montant des agents immobiliers, d'un ralentissement des ventes, d'un attentisme croissant des acheteurs, de refus de crédits immobiliers, de négociations plus âpres sur les prix, ou faire confiance aux prévisions rassurantes de leurs réseaux et fédérations, qui concèdent tout juste un léger tassement de l'activité et un ralentissement du rythme de hausse, ou encore les notaires, qui voient toujours, il est vrai en décalage de 6 mois sur les agences, une poursuite de la hausse et un marché toujours "dynamique" ? La réponse est en réalité dans le processus de fabrication des chiffres présentés, très différent d'une source à l'autre, à connaître avant d'interpréter...
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Pluralité de sources, et de modes de fabrication
Il y en a de plus en plus : chaque début de trimestre la FNAIM (fédération nationale de l'immobilier, le réseau Century 21, et les notaires de France, en association avec l'INSEE, nous livrent leur oracle (1) ! Mais ils ne sont plus les seuls : le Site Se Loger y joint depuis peu régulièrement son "baromètre", de même que le réseau Laforêt, sans compter Foncia, etc.
Pluie de chiffres précis et détaillés, donnant l'impression d'instruments de mesure perfectionnés. Mais derrière cette apparence, les processus de fabrication restent opaques ! Quelles sont les sources, comment les informations sont-elles collectées ? Compare-t-on d'une période à l'autre, pour faire ressortir un taux de hausse, des biens comparables, et sur quels critères ?
L'INSEE se réclame de cette méthode, qu'on appelle "hédoniste" (comparative par éléments), mais uniquement dans le calcul de ses indices nationaux, régionaux, et pour certains, départementaux. Séduisante dans son principe, cette méthode consiste à rechercher des termes de comparaison suffisamment nombreux et adaptés au bien à évaluer, et ramener les prix relevés à des prix au m2 pondérés, ce qui suppose à la fois de retenir une notion précise du prix - par exemple commission comprise ou non ? -, de la surface - utile, habitable, balayable, brute - et des pondérations fiables pour valoriser un étage élevé ou courant ou rez-de-chaussée, une qualité de situation, un niveau d'équipement, etc.).
Par ailleurs, cette méthode n'est applicable que si la base de prix traitée est large (nombreuses références), et qu'elle n'est pas affectée par la neutralisation des biens exceptionnels ou atypiques (encore faut-il s'entendre sur cette notion...)
A notre connaissance, seul l'INSEE pratique de cette façon, mobilisant les données des notaires sur les ventes signées par acte authentique en leurs études, ce qui présente l'avantage, du fait du monopole des notaires, d'appréhender toutes les transactions de gré à gré quelque soit le type de bien - neuf ou ancien - ou le canal par lequel elle a été réalisée : directement entre vendeur et acquéreur ou par l'intermédiaire d'un agent immobilier ou un notaire. Mais elle présente aussi deux limitations importantes :
- les informations à la disposition du notaire et enregistrées au moment de l'établissement de l'acte de vente sur la qualité et les caractéristiques des biens sont peu détaillées et imprécises, ce qui dégrade d'autant la fiabilité des indices qui sont calculés sur leur prise en compte !
- le prix retenu est celui servant d'assiette aux droits de mutation : il est certes hors frais pour tout le monde mais il est aussi hors commission, ce qui introduit une distorsion entre les ventes avec ou sans intermédiaire, tout de même de 4 à 6% du prix ! En effet, la plus grande partie des ventes sont aujourd'hui de l'avis même des notaires signées avec la commission à la charge de l'acquéreur, alors que le prix réel est celui que l'acheteur est prêt à payer pour acquérir le bien, donc commission comprise !
Sans mentionner les dissimulations de prix pour faire baisser les droits, par de multiples moyens, évidemment impossible à évaluer : paiement hors la vue, paiement séparé de mobilier, etc.
Mais ces limitations ne sont rien par rapport à celles qui caractérisent toutes les autres sources de données - chiffres des notaires hors INSEE, et chiffres des réseaux et fédérations d'agents immobiliers : celles-ci sont condamnées à travailler sur les montants de vente non pondérés par la qualité des biens, leurs références étant trop peu nombreuses pour permettre des retraitement fiables et ne peuvent donner qu'un prix moyen au m2 des transactions réalisées dans une période donnée. Les comparaisons d'une période à l'autre sont dès lors d'autant plus faussées que les marchés sont étroits, car alors les variations dans les caractéristiques et la qualité des biens vendus impactent plus fortement le résultat.
La FNAIM essaie de corriger les différences de qualité des biens pris en références et les différences de structure du marché d'une période à l'autre en calculant ses indices de prix par pondération d'indices élémentaires calculés sur chaque segment de marché ; mais cela vaut pour ses indices et non pour les prix moyens au m2 publiés par ailleurs !
Century 21, tout en donnant des prix moyens au m2, complète en donnant des montants moyens de transactions, information qui vaut ce qu'elle vaut...
La notion même de prix au m2 est elle-même source de difficulté : si la référence à la surface habitable a un sens pour les appartements, en a-t-elle vraiment un pour les maisons, dont le prix est beaucoup plus influencé par l'allure et la construction, ainsi que par la surface et la qualité du terrain, jamais pris en compte !
Autre difficulté : l'écrémage des biens atypiques ou des transactions exceptionnelles ! Difficiles à appréhender, ces transactions sont mieux neutralisées par l'affichage de prix "médians", comme le font les notaires : la médiane étant la valeur centrale qui partage l'ensemble des prix observés en deux groupes de même effectif - 50% au-dessus et 50% en dessous -, à la différence de la moyenne arithmétique, elle n'est pas influencée par les valeurs extrêmes !
Cette imprécision est accentuée lorsque la remontée des données sur les transactions réalisées n'est pas exhaustive mais par transmission volontaire et échantillonnage, comme c'est le cas pour des fédérations type FNAIM, qui ne disposent pas comme les réseaux de franchise tels Century 21 d'un système administratif vérrouillé, servant notamment pour l'établissement de la redevance au franchiseur, et qui ne laisse passer aucune transaction au travers...
Difficultés de recoupements
Cela enlève-t-il toute valeur aux chiffres présentés et repris avec application par les médias ? Certes non, mais ils ne valent que pour ce qu'ils sont : le reflet de transactions réalisées, enregistrées à une date donnée, par un certain type d'acteurs !
Si les notaires peuvent à juste titre se prévaloir d'appréhender tout le marché, neuf et ancien, appartements, maisons et terrains, leurs informations, reflètent par contre, du fait qu'ils se fondent sur les actes authentiques - intervenant en moyenne trois mois après l'accord sur la chose et sur le prix -, et que la collecte et le traitement des données prend trois bons mois de plus, un état du marché qui date au mieux de six mois, une éternité en ces temps d'incertitude et de volatilité des appréciations !
Les agents immobiliers peuvent être plus réactifs, se fondant sur les "avant-contrats" (promesses et compromis de vente), mais ils ne reflètent qu'une partie inconnue du marché, puisqu'aussi incroyable que cela paraisse, il y a ignorance totale, chez les professionnels, chez les notaires et chez les pouvoirs publics, sur la part des transactions effectuées par l'entremise d'un intermédiaire, agent immobilier ou notaire, sur la plan national comme fortiori sur le plan local !
Les chiffres non vérifiés de parts de marché de 40% pour les agents immobiliers et de 10% pour les notaires circulent inchangés depuis des années, sans que quiconque ne sache très bien d'où ils sortent ni s'ils ont changé ! Une enquête TNS-Sofres de 2005 réalisée par TNS Sofres pour le réseau d’agences immobilières "L’adresse" (2) faisait apparaître que les professionnels auraient 66% du marché, et en fait 76% du marché des vendeurs qui ne connaissent pas leur acheteur ; dans ce total, les agences indépendantes réaliseraient 60% des transactions, les agences en réseau 32% et les notaires 7%... Problème : ce chiffre était trop beau et les professionnels ne l'ont pas cru !
Prépondérants ou non, les agents immobiliers ne peuvent prétendre représenter tout le marché ; mais au moins partent-ils de prix réels conclus lors des avant-contrats (promesses de vente ou compromis). Le site d'annonces Se Loger fait plus fort dans le réactif : il affiche en temps réel les prix moyens de mise en vente et leur évolution à partir des annonces des agents immobiliers ! Avec de surcroît affichage cartographique à la clé et flèches de tendance. Ce ne sont évidemment pas des prix de marché, mais ce n'est cependant pas sans intérêt, ni signification, d'autant que les flèches descendantes ont tendance à se multiplier sur les cartes...
Peut-on dire la vérité ?
L'absence de source totalement indépendante des milieux professionnels, dont on peut penser qu'ils ont plus intérêt à la hausse qu'à la baisse du marché, pèse sur la crédibilité des chiffres publiés et alimente la théorie du complot, que d'aucuns en cette période d'incertitude n'hésitent pas à manier ! L'idée d'une interprétation des chiffres et de prévisions dans un sens rassurant ne peut être en effet écartée, et on n'imagine pas un président de fédération ou de réseau, ou - pire - d'une Chambre nationale des notaires annoncer un "krach" dans les trois mois ! Alors que même si ce n'est pas le scénario le plus probable, rien n'exclut formellement la possibilité d'un retournement brutal : Guy Marty, le président de l’IEIF (Institut de l'épargne immobilière et foncière), "vendait la mèche" le 9 janvier dans une interview vidéo en ligne sur Revenu.com : ce n’est pas parce que les fondamentaux du marché sont bons - demande forte pour des raisons démographiques notamment - qu’une crise conjoncturelle n’est pas possible : "un marché, ça monte ou ça descend mais ça n’atterrit pas", ironisait-il dénonçant ainsi le pronostic répété depuis deux ans par la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier); Selon lui, le retournement du marché se transmet beaucoup plus brutalement sur le rythme des transactions que sur les prix, qui suivent à la baisse de manière amortie, et pour lui "c’est précisément ce à quoi nous sommes en train d’assister" ; ce sera une crise peut-être dure mais courte, a-t-il cependant tempéré, contrairement à d’autres époques que tout le monde a à présent en tête...
(1) - Century 21 France, 8 janvier 2008 : "Le marché immobilier national - Bilan 2007"
- FNAIM, 8 janvier 2008 : "Observatoire des marchés de l’ancien" - Lettre de conjoncture n°51 - janvier 2008
- INSEE Informations rapides n° 17 - 15 janvier 2008
- et Notaires de France - Dossier de presse, conférence du 15 janvier 2008
(2) sondage réalisé du 29 mars au 9 mai 2005 auprès de 982 foyers ayant vendu une maison ou un appartement depuis le 1er janvier 2000 et 1268 foyers ayant acheté une maison ou un appartement anciens depuis le 1er janvier 2000 à une personne qu’ils ne connaissaient pas
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