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Nouvelles règles de comptabilité des copropriétés : les conseils syndicaux seront-ils à la hauteur ? Le 28/6/2005
UI - Actus - 28/6/2005 - Nouvelles règles de comptabilité des copropriétés : les conseils syndicaux seront-ils à la hauteur ?
A compter du 1er janvier 2006, les syndics devront tenir les comptes des copropriétés selon des règles plus rigoureuses, inspirées de la comptabilité des entreprises, et utiliser une nomenclature de comptes et une présentation d'états de fin d'exercice normalisées. Dans l'état actuel des textes, ils devront même convertir leurs comptes pour les périodes en cours afin de présenter aux assemblées générales qui se tiendront en 2006, et qui approuveront les comptes de 2005, des états établis selon les nouvelles règles ! Les conseillers syndicaux, que leurs collègues copropriétaires investissent de la responsabilité de vérifier les comptes et de donner ou pas à l'assemblée le feu vert pour les approuver, devront se former à ces nouvelles règles, et peut-être à la comptabilité tout court ! Peut-être est-ce aussi l'occasion pour prendre conscience que la responsabilité qu'ils acceptent n'est pas si anodine et ne se résume pas à "pointer" des factures et les débits en banque correspondants...

Quand sincérité et rigueur ne riment pas avec simplicité

Si l'idée de "transparence" a été évoquée pour justifier la réforme, ce n'est certainement pas celle - en fait illusoire - d'une comptabilité de dépenses recettes, seule pourtant réellement parlante à des millions de copropriétaires non initiés à la lecture d'un bilan actif-passif, ou aux subtilités des charges et produits constatés d'avance ou des dotations aux provisions pour dépréciation...

Au demeurant, une comptabilité tenue selon les règles professionnelles vise-t-elle réellement la transparence ? Son objectif primordial, qui est de présenter une situation patrimoniale sincère de l'entité qu'elle concerne et de mettre en évidence avec le plus d'exactitude le solde réel des opérations de l'exercice, en y rattachant toutes les charges et produits qui s'y rapportent, exige d'enregistrer de très nombreuses écritures de retraitement qui l'éloignent d'une simple traduction des encaissements et des décaissements !

D'où l'enregistrement des dépenses dès la réception de facture - y compris celles qui sont litigieuses, il faudra s'y faire - et non lors de leur paiement au fournisseur, l'enregistrement des charges de l'exercice, même si les factures ne sont pas parvenues à la clôture des comptes, enregistrement des produits à recevoir tels que les indemnités d'assurance dès lors qu'elles sont acquises, report de la part des dépenses et des produits concernant l'exercice suivant, etc.

Autre pilule qui aura du mal à passer : la constitution de provisions pour créances douteuses : il s'agit de passer chaque année en charges - à répartir aux copropriétaires - la part des créances menacées au fur et à mesure qu'il apparaît que leur recouvrabilité n'est pas certaine : il peut s'agir de créances sur des tiers, comme un acompte versé à une entreprise qui disparaît avant d'effectuer les travaux, mais aussi des créances sur les copropriétaires : le syndic devra provisionner la part potentiellement irrécouvrable (celle non couverte par le "privilège immobilier spécial" de l'article 2103 du Code civil sur les charges et travaux de l'année courante et des deux dernières années échues) au moment de mettre à l'ordre du jour la mise en vente des lots des débiteurs. Notons au passage que les créances devenues définitivement irrécouvrables devront obligatoirement être passées dans les charges au titre des pertes sur créances ; lorsque des provisions auront été constituées, celles-ci viendront en déduction des sommes réparties aux copropriétaires, mais à défaut, ceux-ci devront les supporter en totalité et d'un coup, ce qui sera le cas la première année d'application des nouvelles règles pour tous les irrécouvrables antérieurs naturellement non provisionnés !


La vérification de comptabilité : un métier !

Syndics et conseils syndicaux auront, on s'en doute, la lourde tâche d'expliquer tout cela aux copropriétaires, à commencer par la façon d'interpréter les nouveaux états, mais aussi le contenu nouveau des comptes de charges réparties, et ce - sauf report du délai toujours possible, demandé en tous cas par les organisations de consommateurs autant que par celles des syndics professionnels - dès les assemblées de 2006 !

Les conseillers syndicaux, que leurs collègues copropriétaires investissent de la redoutable responsabilité de vérifier les comptes et de donner ou pas à l'assemblée le feu vert pour les approuver, devront faire les premiers l'effort de les comprendre, et s'ils n'ont pas reçu de formation comptable, de faire celui de se familiariser avec les fondamentaux de toute comptabilité...

A défaut de pouvoir le faire - toutes les copropriétés ne peuvent être pourvues de comptables qualifiés et de surcroît disponibles ! - cette tâche devrait être sous-traitée à un expert-comptable ou à des prestataires spécialisés.

En fait, ce problème de qualification et de disponibilité des conseillers syndicaux n'est pas nouveau, mais les copropriétaires pouvaient ne pas s'en inquiéter tant que les comptes des syndics avaient au moins l'apparence de comptes de "ménagère". Illusion d'optique en réalité : l'application stricte des nouvelles règles offrira plus de garanties aux copropriétaires de ne pas voir des dépenses non avouées être nichées dans des comptes de travaux ou de sinistres, comptes de régularisation et autres comptes d'attente "fourre-tout", jamais apurés ni expliqués, et parfois cachés, que les copropriétaires non avertis découvraient parfois en changeant de syndic...

Encore faudra-t-il vérifier cette application, ce qui n'est pas sans requérir quelque technicité !

Il faut rappeler avec force que la vérification des comptes est une des principales missions du conseil syndical, s’inscrivant dans sa mission plus globale de contrôle du syndic, dont la conséquence logique est le vote du quitus par l’assemblée. Même si, comme pour les autres aspects de ce contrôle, les diligences auxquelles est tenu le conseil syndical ne sont pas précisées par les textes, il faut aussi rappeler que les possibilités d'investigation qui lui sont accordées et le devoir au moins moral qui lui est fait d’éclairer l’assemblée sur la l'approbation ou non des comptes de l’exercice - depuis cette année le conseil syndical doit y "rendre compte de sa mission" - font de cette vérification un véritable audit comptable, nécessitant un minimum de compétence et de méthode.

Citons pêle-mêle quelques uns des contrôles indispensables pour s'assurer du caractère probant et sincère d'une comptabilité :

- vérification de l'existence d'un rapprochement bancaire et de l'absence d'opérations figurant en banque non comptabilisées (si le syndic utilise un compte bancaire global pour tout ou partie des copropriétés qu'il gère, une attestation en ce sens doit être obtenue chaque année de son expert-comptable...) ;

- vérification de l'exactitude des comptes de tiers débiteurs ou créditeurs au moyen d'interrogations par sondage des tiers concernés (y compris ceux apparaissant comme soldés et ceux des organismes sociaux...) ;

- explication ligne à ligne de toutes les écritures restant dans les comptes d'attente actif et passif à la clôture ;

- vérification de l'absence de charges ou de produits non répartis ;

- rapprochement des comptes individuels en comptabilité avec le double des relevés de comptes adressés aux copropriétaires, et vérification de la comptabilisation des opérations relatives aux comptes des copropriétaires en contentieux : comptabilisation des intérêts de retard (au profit du syndicat) et ajustement des comptes suites aux jugements obtenus ;

- surveillance des mouvements éventuels comptes de vendeurs créditeurs non réclamés (les nouvelles règles relatives aux ventes ne devraient plus en produire, mais les anciens doivent être conservés jusqu'à extinction de la prescription de droit commun, trentenaire...)


Aux conseillers syndicaux de savoir s’il en sont capables ou s’il doivent avoir recours à une aide extérieure : ne pas avouer l'impossibilité pour eux d'assumer une telle responsabilité peut être assimilé à une tromperie vis à vis des copropriétaires qui leur font confiance et suivent leurs recommandations ! A ces derniers aussi qui les élisent de les choisir avec discernement...



Pour en savoir plus, voir :

- notre article "Les comptes des copropriétés plus rigoureux à défaut d'être plus transparents"

- notre dossier "La réglementation des comptes des syndicats des copropriétaires"

- le décret n° 2005-240 du 14 mars 2005 relatif aux comptes du syndicat des copropriétaires et l'arrêté du 14 mars 2005 - pour accéder au texte complet et aux modèles d'états, cliquer en bas de page pour afficher la version "PDF"

Rappelons que le décret précise que ses dispositions s'appliquent uniquement aux syndicats de copropriétaires. Il précise qu' "elles ne s'appliquent pas (...) à la comptabilité d'autres entités telles que les unions de syndicats ou les associations syndicales régies par l'ordonnance du 1er juillet 2004", ajoutant que "les statuts de ces dernières peuvent, toutefois, prévoir que leurs comptes sont tenus conformément aux règles comptables propres aux syndicats de copropriétaires, à l'exception des associations assujetties de plein droit au règlement n° 99-01 du Comité de la réglementation comptable". Ces précisions permettent à ces entités de bénéficier des règles de comptabilité applicables aux copropriétés qui sont plus simples que celles auxquelles elles sont normalement assujetties, qui sont celles de la comptabilité générale...

- décret n° 2004-479 du 27 mai 2004 modifiant le décret du 17 mars 1967



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